Les violences éducatives ordinaires, au cœur de notre société

Les violences éducatives ordinaires (VEO) rassemblent les maltraitances banalisées par notre société et exercée par un groupe d’individus en position d’autorité ou d’ascendant, sur d’autres personnes, généralement les enfants. En plus de la coercition physique (coups, fessées…), le recours aux menaces, au chantage, à la manipulation mais aussi l’enchaînement de gestes brutaux, de comparaisons, de moqueries et de dévalorisations sont autant d’exemples de violence éducative ordinaire, dont l’impact sur l’enfant est proportionnel au déni dont font preuve la grande majorité de ceux qui les utilisent.

Si l’engrenage est vicieux, c’est bien parce qu’il est insidieux et que beaucoup de ces maltraitances sont encore banalisées et ignorées. Envoyer un enfant au coin, le menacer d’être privé de dessert ou encore lui conseiller fortement de rester sage pour être gâté à Noël sont autant d’exemple qui invitent une forme de violence, discrète, subtile, dans notre quotidien.

Et la triste réalité, c’est que l’immense majorité d’entre nous a grandi dans ce contexte de crainte, de comparaison et de manque de confiance en soi. Parce que nous évoluons dans une société qui nous apprend très vite à nous conformer à un moule aussi illusoire qu’imposé, entre diabolisation de l’erreur et sacralisation des notes et de la comparaison aux autres. Un merveilleux cocktail pour grandir plein de doutes et d’angoisses…

Le rapport avec le monde animal me direz-vous ?

La violence ordinaire est omniprésente dans notre rapport aux animaux qui nous entourent. Evoluer dans le monde des humains, c’est devoir supporter une multitude de maltraitances qui n’en ont pas toujours le nom et qui sont encore loin d’être illégales : un chien auquel on ne laisse jamais flairer un bord de trottoir, un lapin qui ne quitte jamais sa cage, un chat qui se fait hurler dessus parce qu’il a uriné hors litière, un cheval qui subit chaque jour des dizaines de coups de talons dans les côtes…

Les exemples sont infinis. Et si certains d’entre eux suscitent des levées de bouclier, d’autres passent inaperçus pendant des décennies avant de subitement attirer l’attention publique.

C’est ainsi que l’interdiction des colliers électriques et étrangleurs pour les chiens a enfin été étudiée et adoptée par l’Assemblée Nationale en janvier 2023 ou encore que les spectacles d’ours et de loups itinérants seront interdits à la fin de la même année.

Mais pendant ce temps-là, nous ne pouvons que constater que sur le terrain, les choses évoluent lentement, trop lentement. Dans le secret de leurs foyers, trop d’humains continuent à exercer une pression physique et mentale permanente et à ignorer le bien-être de leur animal (consciemment ou non). Animal qui, peu à peu, entre dans une spirale de mal-être, d’anxiété chronique et de comportements indésirables plus ou moins gênants pour l’humain et donc pouvant passer inaperçus pendant des années…

Quelques exemples ? Retirer la gamelle du chien qui mange, pshitter de l’eau sur un chat qui griffe les meubles, allumer la lumière 15x par jour dans la pièce où vivent de petits mammifères nocturnes, laisser les poissons rouges vivre dans un bocal minuscule, donner un à-coups sur la longe d’un cheval qui hennit, trainer un chien en laisse parce qu’il n’avance pas assez vite, obliger une vache de compagnie à vivre seule… je pourrais remplir un livre entier…

 

VEO animaux maltraitance

En résumé, tout ça, ça craint.

 

Mais pourquoi est-ce que tout le monde ne favorise pas l’éducation positive ?

Le recours généralisé aux violences éducatives ordinaires dans notre rapport aux animaux s’explique, il me semble, par plusieurs facteurs :

  • Le spécisme, et l’idée encore largement majoritairement admise que l’humain est supérieur aux espèces animales et a donc le droit d’imposer ses choix, son rythme et ses envies aux espèces qui l’entourent.
  • La conviction, elle aussi fortement ancrée, que le rapport entre deux êtres vivants, notamment s’ils appartiennent à deux espèces différentes, doit être basée sur la soumission et la dominance permanente (spoiler : non, rien ne va dans cette idée et un autre article fait le point sur ce sujet : ici).
  • La tradition, l’habitude et la transmission de « méthodes » coercitives dont on a cru pendant longtemps qu’elles étaient les seules efficaces pour se faire « obéir » et avoir un quotidien serein, basé sur la crainte et les punitions jusqu’au moment où l’animal obtempère… ou s’inhibe totalement.
  • Le mal-être humain et la mauvaise gestion émotionnelle générale qui nourrissent des éclats de colère et d’impuissance et poussent les primates que nous sommes à « passer nos nerfs » sur les êtres dont nous sommes responsables.
  • L’ignorance des conséquences de la punition et des maltraitances et, a contrario, des effets bénéfiques des approches positives sur le taux de réussite, la motivation de l’animal et la qualité du lien à l’humain.
  • L’omniprésence médiatique de professionnels dont la remise en question n’est pas toujours le point fort (pour être polie), et qui nourrissent leur ego (et leur porte-monnaie) grâce à la détresse de clients dépassés par la situation et impressionnés par les « résultats express » qui leur sont présentés sans réaliser l’impact que ces résultats auront sur la santé physique et mentale de leur animal.

 

Bref. La violence envers les animaux a encore de beaux jours devant elle. Parce qu’elle plonge ses racines dans un marasme complexe, sociétal et sans cesse renforcé d’incompréhensions, d’ignorances et d’appât de la facilité.

Mais de plus en plus de voix s’élèvent. Lors du dernier buzz ayant implosé sur les réseaux sociaux à propos d’un éducateur qui prône la soumission physique des chiens pour éviter les comportements agressifs, j’ai été émue de voir que de nombreux.ses. professionnel.le.s et passionné.e.s avaient osé reprendre les images et s’y opposer sans crainte. Et j’ai été incroyablement fière de voir que plusieurs d’entre elles étaient des élèves ou des professionnelles diplômées AnimHo.

Parce que chaque goutte d’eau fait avancer la cause. Parce qu’à chaque fois que l’on dit « non », que l’on refuse, que l’on s’oppose, que l’on argumente et que l’on garde la tête haute, c’est la vie des animaux qui nous entourent que l’on change.

Soyons la voix qu’il n’ont pas.

Ensemble, réinventons les relations Homme-Animal.

 

Marie Sutter

Fondatrice et CEO d’AnimHo