Introduction
Conclusion

Chapitre 4 – Sensorialité et perception du monde

1. Généralités

Les informations cumulées dans les derniers chapitres se révèlent primordiales pour aborder celui-ci : le cheval est un animal grégaire, vivant dans de larges espaces – généralement ouverts, se déplaçant en quasi-permanence et établissant des liens étroits avec les membres de son groupe familial.

Le tissu social équin est fait de relations stables et durables, qui ne sont possibles que par la répétition d’interactions positives et agréables. Les comportements sociaux, s’ils sont peu représentés dans le budget-temps quotidien du cheval, sont nécessaires à son évolution et à son bien-être.

Les cinq sens du cheval sont donc adaptés pour évoluer dans des espaces ouverts, communiquer à distance et percevoir des stimuli dans des environnements bien éloignés de nos écuries modernes…

De nombreux soucis de comportements et d’incompréhensions entre l’humain et le cheval viennent de notre incapacité à percevoir le monde comme lui. Non seulement notre sensorialité est différente, mais en plus, l’environnement dans lequel nous le faisons évoluer n’a souvent de sens que pour les Hommes qui le conçoivent. Passons donc en revue les caractéristiques des sens du cheval.

 

2. La vue

Avec ses yeux larges placés sur le côté de la tête, le cheval a une vision panoramique principalement horizontale. En dehors d’une fine bande devant sa tête qui permet une vision binoculaire (traitée par les deux yeux) en relief et plus précise, l’essentiel de son champ de vision est monoculaire.

L’œil est peu mobile et l’encolure joue un grand rôle dans l’observation visuelle de l’environnement : parce que l’angle de vision du cheval est dévié de 20° vers le bas par rapport à l’humain (imaginez porter une casquette en permanence : votre angle de vision serait bien diminué !), le cheval a besoin de son encolure pour accommoder sa vue et analyser ce qui l’entoure. Lui permettre de lever la tête ou au contraire de la rapprocher du sol est une condition sine-qua-non pour mettre en place des séances de travail confortables. Contraindre les mouvements de la tête lors du débourrage, à l’obstacle ou lors de travail enrêné, peut amener l’apparition de comportements de défenses violents. De plus, la vision latérale du cheval étant bien plus large que la nôtre (il voit de ses naseaux à ses hanches sans avoir besoin de tourner la tête), il peut percevoir des détails anxiogènes bien avant qu’ils ne rentrent dans notre angle de vision : cette différence de perception explique de nombreuses situations d’incompréhension entre un cavalier et sa monture.

Si l’on se penche sur l’anatomie de l’œil du cheval, on observe qu’il contient plus de bâtonnets (qui permettent la détection de la lumière) et moins de cônes (responsables du traitement des couleurs et des détails) que l’œil humain. Comme de nombreux animaux, il possède un « tapetum lucidum » au niveau de la rétine qui reflète la lumière comme un miroir et permet la vision sous faible luminosité. Le cheval voit donc bien mieux dans la pénombre (d’où l’importance de réduire les lumières artificielles inutiles) mais capte moins de couleurs (vision dichromate : il distinguerait les bleus et jaunes, mais ni le rouge ni le vert). Sa perception des micromouvements est plus fine que la nôtre et permet notamment une communication gestuelle très précise entre congénères, mais également entre l’Homme et le cheval.

Détail important, surtout pour les chevaux amenés à passer régulièrement de l’ombre à la lumière (transports en van, hébergement en écurie intérieure…) : la fermeture de la pupille à la lumière étant plus lente que la nôtre, ils ont besoin de plus de temps pour accommoder leur vision aux changements de luminosité. Bien souvent, lui laisser quelques secondes pour adapter son œil permet d’éviter des conflits inutiles !

La vision du cheval comporte des zones aveugles qu’il convient de connaître : il ne voit ni derrière sa croupe, sur un angle d’environ 10°, ni sous sa tête. Attention donc de ne pas le surprendre… et de réfléchir à l’impact d’un coup de stick sur le poitrail pour le corriger…

 

3. L’ouïe

Anatomiquement, l’oreille du cheval est bien plus développée que la nôtre et son pavillon est très mobile. Elle peut s’orienter dans la direction du son (le réflexe de Pryer lui permet de se diriger directement vers le bruit, avant que le cheval ne bouge le reste de son corps si nécessaire) et fait partie intégrante des moyens de communication du cheval : pointée vers l’avant ou plaquée le long de l’encolure, elle donne des indications précieuses sur l’état émotionnel du cheval et les messages qu’il souhaite transmettre.

Le cheval perçoit les sons allant de 5 Hz à 33500 Hz, incluant donc des ultrasons ainsi que la voix humaine parlée ou chantée, alors que l’homme entend des sons compris entre 16 Hz et 30000 Hz environ. L’utilisation de la voix pour communiquer avec les chevaux semblent donc tout à fait indiquée. En revanche, sa très bonne perception des sons de faible intensité le rend sensible aux bruits forts et soudains qui peuvent susciter des réactions de peur.

4. L’odorat

Les naseaux sont volumineux, espacés et orientés dans des directions opposées, la surface de la muqueuse olfactive est très développée et la partie du cerveau consacrée à l’odorat est particulièrement volumineuse.

Les comportements de flairage sont primordiaux dans l’éthogramme du cheval : contacts naso-nasals, rituels au crottin ou à l’urine, analyses des odeurs environnementales… Le cheval possède un organe voméro-nasal, appelé organe de Jacobson, qui lui permet de capter et d’analyser les grosses molécules non-volatiles et probablement de sentir les phéromones. Lèvre supérieure retroussée sur les naseaux, encolure haute : la posture caractéristique du flehmen permet de diriger ces molécules, captées lors du flairage d’un crottin par exemple, vers cet organe situé sur le plancher des fosses nasales.

On sait que les chevaux reconnaissent l’odeur d’un prédateur (loup) et que leur comportement s’adapte au danger sans avoir besoin de le voir : augmentation du rythme cardiaque et du taux de cortisol, locomotion accrue, rassemblement des membres du groupe…

Le flehmen

5. Le toucher

Il existe une grande variabilité interindividuelle dans la sensibilité tactile. Selon les parties du corps et le tempérament du cheval, celui-ci réagira plus ou moins fortement à une pression physique. Cette sensibilité peut notamment être mesurée par le test des filaments de Von Frey : des fils de différentes épaisseurs sont passés sur les muscles peauciers du cheval (muscles superficiels, présents notamment au niveau du garrot et permettant à l’animal de faire tressaillir sa peau pour chasser un insecte) et plus celui-ci est sensible tactilement, plus il réagira à un filament de petit diamètre.

Le toucher est un sens privilégié entre un cheval et son cavalier, notamment pour l’apprentissage de l’équitation traditionnelle et la mise en place des aides. La monture apprend à céder aux pressions exercées sur son corps, et un cheval tactilement sensible sera avantagé par ce type d’approche… ou agressé par un potentiel manque de subtilité.

Lors des interactions sociales, le toucher est sollicité pour créer et maintenir des affinités (parades amoureuses, allogrooming, etc.).

Les vibrisses, ses longs poils présents autour de la bouche et des yeux, permettent également au cheval d’identifier les objets et les aliments qui l’entourent et agissent comme un organe sensoriel nécessaire à la communication et au bien-être du cheval.

6. Le goût

Sollicité dès le plus jeune âge, le goût évolue en fonction des découvertes alimentaires du poulain, de son environnement immédiat et de ses déplacements.

On sait que les chevaux distinguent le salé, l’amer, l’acide et le sucré et qu’ils semblent avoir une préférence pour ce dernier, ce qui expliquerait notamment leur attirance pour des végétaux riches en fructose et l’accroissement des risques de santé associés.

En milieu domestique, le cheval est souvent confronté à une alimentation très monotone et peu diversifiée. L’introduction d’enrichissements alimentaires (fruits et légumes, suspensions, foins aromatisés, mise à disposition de branches…) permet d’agrémenter leur quotidien, de diminuer la néophobie et d’augmenter le temps passé à s’alimenter.

Hans le Malin
Au tout début du XXème siècle, un fait divers défraie la chronique : un excentrique professeur d’arithmétique berlinois présente au public son cheval Hans lors d’exhibitions mettant en valeur les capacités de l’animal en calcul et en lecture. Donnant des réponses systématiquement justes, soit en frappant le sol avec son antérieur, soit en répondant « oui » ou « non » avec son encolure. Le phénomène attire rapidement l’attention des scientifiques qui, après des mois de recherche et d’expériences, finissent par conclure à l’incroyable sensibilité de Hans. Réagissant aux micromouvements involontaires de son propriétaire et de son audience, il ajustait en effet son comportement et ses réponses aux indications gestuelles et physiologiques de l’être humain. Si elle n’a rien de magique, cette sensibilité, partagée par tous les chevaux à des degrés divers, est néanmoins exceptionnelle !

EXERCICE – MODULE 3 – CHAPITRE 4

En utilisant le protocole joint, déterminez les goûts favoris de votre cheval ! Cet exercice vous permettra de cibler de potentiels enrichissements alimentaires, d’adapter vos récompenses alimentaires et de diversifier les ressources proposées au quotidien. Si possible, proposez ce test à différents chevaux et observez les différences interindividuelles.

Matériel nécessaire : protocole, stylo, chronomètre, 4 goûts alimentaires (posés au sol, dans des seaux ou sur un support) et un endroit clos type paddock ou rond de longe.