Chapitre 4 – Gestion des émotions
1. Qu’est-ce qu’une émotion ?
Quand on évolue avec des chevaux, qu’ils soient jeunes ou confirmés, on se retrouve inévitablement face à des réactions inattendues. Un bruit soudain, une feuille qui tombe trop près, notre étrivière qui grince et hop ! voilà notre monture transformée. Qu’elle se fige ou qu’elle détale au grand galop, la raison est identique : «elle est dans l’émotionnel ». Nous reviendrons dans un prochain Module sur les séances de travail au sol et les bases à instaurer pour adoucir les choses, mais ce qu’il faut retenir, c’est que cette influence des émotions est incontournable pour tous les êtres vivants. Mais qu’est-ce qu’une émotion ?
Une émotion est une réaction transitoire à un événement déclenchant, associée à des modifications :
- Comportementales (expressions faciales, cris, comportements de stress – se ronger les ongles, …),
- Physiologiques (rythmes cardiaque et respiratoire, pression sanguine, transpiration, taux hormonaux),
- Cognitives (perception, analyse et mémorisation de l’information par le cerveau).
En bref, quand une situation nous met dans un état émotionnel élevé, nous ne réagissons pas comme d’habitude. Nos sens sont influencés, notre capacité à réfléchir et à agir est affectée, notre comportement est modifié. Mais cela n’est pas forcément négatif… Nous y reviendrons.
Le souci, avec les émotions, c’est qu’elles nous bercent, nous guident et nous définissent. Elles nous portent, nous transportent, nous balaient parfois. Il y a celles qui font du bien et celles qui détruisent. Celles qui nous aident à avancer et celles qui nous bloquent. Pourquoi ?
Parce que tout ne dépend pas directement de vous et de votre capacité à gérer l’instant présent. Votre habileté à accepter vos émotions, à les écouter sans les refouler et sans vous laisser noyer, trouve son origine dans votre toute petite enfance. Bien sûr, vous êtes un être en perpétuelle évolution, comme nous l’avons vu, et rien n’est une fatalité. Mais si l’on a vous appris à ne pas montrer votre peur, si l’on vous a inculqué que pleurer est une marque de faiblesse ou que s’extasier est puéril et enfantin, il vous est beaucoup plus difficile de gérer vos émotions d’adultes. Un attachement émotionnel sécure dès les premières années de votre existence est la base d’une stabilité émotionnelle pour les décennies qui suivent. Sauf que… ça n’est pas si simple. Les aléas de la vie, les expériences – bonnes ou mauvaises – peuvent influencer profondément vos réactions et votre manière de communiquer lorsque les émotions prennent le dessus…
Vous pouvez rattraper un départ chaotique, ou subir les conséquences d’un traumatisme pendant des années. Quelle que soit votre histoire, vos difficultés et vos forces, rassurez-vous : il est toujours possible de renforcer votre sécurité émotionnelle. Mais pour cela, il convient de d’accepter et d’accueillir ce que vous ressentez.

2. Les émotions négatives
La colère
La colère, c’est indiquer à l’autre (ou à soi-même) que nos limites sont franchies. C’est affirmer que l’on existe et que la situation ne nous convient pas. La colère peut donc être saine et nécessaire tant qu’elle ne devient pas synonyme de violence et qu’elle ne se retourne pas contre notre interlocuteur, en l’occurrence notre cheval. Souvent, cette émotion nait de la frustration : un exercice que l’on ne réussit pas, un message que l’on n’arrive pas à transmettre… On accable son partenaire alors qu’en fait… c’est contre nous que nous sommes fâchés.
Si vous avez tendance à être colérique, demandez-vous quand est-ce que vous avez pris soin de vous pour la dernière fois ? Depuis quand avez-vous l’impression de « parler dans le vide », d’essayer d’attirer l’attention sans y parvenir ? Écoutez-vous comme vous écouteriez un jeune enfant en pleine crise émotionnelle : vous avez des besoins qui ne sont pas satisfaits, et cela peut mener à des colères destructrices qui pourraient influencer l’amitié que votre cheval vous porte…
La tristesse
Que cela soit lié à votre vie équestre ou non, il vous arrive d’être triste, voire déprimée. Cette émotion ne doit pas non plus être réprimée, au risque de vous durcir et de couper toute communication avec ceux qui tiennent à vous… comme votre cheval. « Les larmes enfermées bloquent le passage vers l’amour » (I. Filliozat) : acceptez votre tristesse, accueillez vos sentiments… Ils font partie de l’existence et les renier risque d’entrainer des fissures de plus en plus difficiles à combler avec le passage du temps…
Le stress
On devrait parler « des formes de stress ». Le stress peut être intrinsèque ou extrinsèque, ponctuel ou chronique. Les soucis, au niveau physique et émotionnel, arrivent quand cela devient un état permanent et qu’il vous empêche d’avancer. Le stress étant une forme de peur, nous le gèrerons de la même manière dans le cadre des relations Homme-Cheval.
La peur
Lorsque la peur prend le dessus, c’est qu’il y a une bonne raison. Votre organisme vous envoie un message et attire votre attention sur un danger potentiel. En fonction des conséquences possibles de vos décisions et de votre manière de réagir à cette émotion, la peur peut être fortement limitante… ou carrément encourageante !
Essayez de définir ce qui vous fait peur le plus précisément possible : le cheval ? la chute ? le regard des autres ?
Puis ciblez les risques : Que peut-il concrètement vous arriver ? Êtes-vous physiquement en danger dans l’immédiat ? Ou projetez-vous vos craintes sur un avenir hypothétique qui prend le pas sur vos pensées rationnelles ?
L’objectif de cette gymnastique mentale n’est pas d’ignorer votre peur, mais d’apprendre à la définir dans son ensemble, à comprendre d’où elle vient et à quoi elle sert. Pendant tout le processus, prenez conscience de votre respiration et de toutes les tensions musculaires qui nourrissent votre crainte et limitent votre décontraction.
Gérer ses émotions, c’est accepter ce que l’on est et ce que l’on ressent. Nous ne sommes pas tous égaux face aux situations anxiogènes. Nous réagissons tous différemment au stress ou aux menaces, et c’est normal. Votre devoir : vous adapter à votre personnalité et à votre seuil homéostasique (seuil de tolérance).
Pensez à ce qui vous convient en fonction des traits de caractère que vous avez identifiés dans les chapitres précédents et mettez en place un petit rituel. Il peut s’agir
- d’un geste (ouvrir et fermer le poing plusieurs fois, poser la main sur votre poitrine… quelque chose de simple et discret, que vous pouvez répéter dès que vous en avez besoin, où que vous soyez),
- d’un mantra répété à voix haute ou à voix basse (« tout va bien, je suis capable de franchir cette étape », « inspire – expire – inspire »… absolument tout est possible tant que cela vous convient),
- d’une série de comportements (« quand j’ai peur, je m’assois, je ferme les yeux, je respire profondément à cinq reprises en visualisant une image de fleur, j’ouvre les yeux puis je me lève »)…
Il faut que ce soit suffisamment facile pour que vous puissiez le répéter à l’identique autant de fois que nécessaire jusqu’à ce que cela devienne un réflexe. Trouvez ce qui vous correspond, ce qui vous aide à réintégrer votre corps et à ne pas vous laisser noyer par le tsunami émotionnel qui vous surplombe.
Quand la panique / la colère / l’angoisse monte, je …………………………………………………… |
Histoire vraie : lors d’un stage il y a quelques années, je rencontrais un binôme cavalière-cheval qui traversait une période très difficile. Après plusieurs chutes et hospitalisations lourdes, la cavalière était terrifiée à l’idée de se mettre en selle mais en mourrait d’envie. Après avoir aidé son cheval à comprendre ce que l’humain lui demandait, avoir parlé à la cavalière de gestion des émotions, je leur ai transmis un petit protocole de travail à base de rituels et de séances en carrière. Plusieurs mois plus tard, je les retrouvai. La cavalière, souriante et détendue, s’est arrêtée à quelques mètres de moi, à côté de son cheval, lui a murmuré quelque chose à l’oreille, a inspiré et expiré profondément à trois reprises puis s’est mise en selle sans hésitation. Je lui ai donc demandé s’il s’agissait de son rituel face à la peur. Sa réponse, en riant : « Oh oui, je ne sais même pas pourquoi je continue, je suis peut-être devenue un peu superstitieuse !» Superstitieuse peut-être, mais en selle, décontractée et avec le sourire !
3. Les émotions positives
Rappelez-vous : une émotion est une réaction transitoire à un évènement déclenchant. Pourquoi serait-elle forcément délétère ? La perspective d’une sortie en extérieur entre ami.e.s, un cours de dressage que vous attendez depuis des semaines, l’impatience de retrouver votre cheval pendant quelques heures qui n’appartiennent qu’à vous… et vous voilà bercé.e d’émotions positives.
Fierté, joie, excitation… exprimez- les ! Comme nous le verrons dans les Modules sur le travail au sol, nous avons trop tendance à marquer le négatif et à considérer le positif comme un état « normal ». Pour votre bien-être, faites le contraire ! Vous êtes heureux/se à l’idée de vous asseoir au soleil pendant les 30 prochaines minutes ? Souriez (forcez-vous si nécessaire !), dites-le vous et scannez ce qu’il se passe : vous allez ressentir une légère chaleur, votre corps tout entier va se préparer à ce bon moment et vous allez non seulement profiter de l’instant, mais également vous faire du bien en prévision de ce qui arrive !
Être heureux, c’est naturel et c’est bon pour la santé. Mais parfois, cela reste théorique ou un peu abstrait. Alors gardez en tête que les pensées heureuses attirent le positif, que l’optimisme entraîne les bons moments. Bien sûr, la vie n’est pas toujours rose…
Mais se le répéter à longueur de journée n’y changera rien, alors à quoi bon ?

Pour conclure ce chapitre, un petit aperçu des fameux 4 Accords Toltèques. Une façon comme une autre de prendre conscience que le bonheur peut demander quelques efforts, mais que nous sommes tous capables de mener une vie sereine et apaisée si nous respectons quelques règles…

EXERCICE – MODULE 2 – CHAPITRE 4
1. Listez trois situations équestres qui font naître chez vous des émotions négatives.
2. Listez trois situations équestres qui font naître chez vous des émotions positives.