Chapitre 4 – Et si ça ne marche pas ?
Vous avez suivi les précédents chapitres à la lettre. Vous avez réfléchi à vos objectifs équestres, défini des étapes, écouté votre cheval, proposé des exercices motivants et progressifs. Et pourtant, vous ne constatez aucune progression. Votre cheval peine à répondre, ne comprend pas vos nouvelles demandes, se trompe systématiquement sur vos intentions ou semble s’impatienter. Surtout, pas de panique ! L’important est de cibler l’origine du problème pour l’aider à comprendre et lui redonner envie de collaborer. N’oubliez pas : vous avez tous les deux le droit de faire des erreurs, c’est même bénéfique à votre relation… si cela vous permet de vous adapter et de progresser !
1. Première raison : la demande n’est pas compréhensible
- Message flouté : si vous n’avez pas bien visualisé ce que vous voulez obtenir (« je voudrais qu’il accélère, qu’il passe au trot ou au galop »), que vous avez changé d’avis en cours de route (« je voudrais du trot allongé… ah il a pris le galop… bon, ok, ça ira pour cette fois ») ou que vous pensez à autre chose pendant vos demandes, votre cheval, à moins qu’il ne soit très avancé et anticipe vos demandes, va forcément se tromper ou manquer de précision.
- Congruence de l’humain : souvenez-vous du Module 2 ! Si vos pensées, vos paroles et vos actes ne sont pas alignés, le message est compliqué à décrypter pour votre cheval. Votre corps, votre esprit et vos émotions doivent indiquer la même chose. Par exemple, si vous désirez qu’il s’arrête mais que vous êtes anxieux.se et gonflé.e d’énergie, vous ne l’incitez pas à s’immobiliser près de vous.
- Progression des aides : nous l’avons vu lors du Module précédent, vos aides et les signaux que vous utilisez doivent répondre à certaines règles. Ils doivent être exclusifs, respectueux, logiques et rigoureux, ne pas dépasser le seuil homéostasique et être relâchés à l’obtention de la réponse voulue. Vous pouvez travailler en renforcement négatif R- (et utiliser l’intention, la respiration, la voix, les claquements de langue, votre gestuelle voire du contact) ou en renforcement positif R+ (et récompenser avec de la nourriture, un signal vocal ou des caresses). Par contre, si vous changez l’ordre habituel de la progression de vos aides, que vous choisissez un nouveau code ou oubliez de récompenser une fois sur deux, votre demande n’est plus compréhensible.
Imaginez une flexion d’encolure : vous demandez à votre cheval de plier l’encolure vers son flanc. Vous le lui expliquez en tendant la longe très progressivement, et en ajoutant un claquement de langue quand il tarde à répondre, et récompensez avec de la nourriture. Deux jours plus tard, vous remplacez les claquements de langue par un code vocal. Puis vous utilisez une cible et ne touchez plus la longe, mais récompensez avec une caresse et non plus avec de la nourriture. Une semaine plus tard, pressé.e, vous tirez directement sur la longe sans attendre sa réponse, et distribuez une récompense alimentaire à nouveau. La fois suivante, votre cheval bouge ses pieds, pèse sur la longe… et essaie de récupérer sa friandise directement, quitte à vous mordre un doigt… Parce que la progression des aides instaurée n’a pas été respectée, il perd en précision, ne sait plus ce qu’on attend de lui… et se met à « détester l’école ».
2. Deuxième raison : le cheval n’est pas en mesure de comprendre
- Pas le niveau technique : si votre cheval n’arrive pas à effectuer un départ au galop à 7 mètres de distance alors qu’il y parvient en mener à l’épaule, s’il stresse devant un slalom avec des cônes alors qu’il évolue en liberté dans le calme aux trois allures ou qu’il refuse de baisser la tête à la place de pansage alors qu’il le fait en carrière, c’est probablement qu’il lui manque des fondations. Pensez aux différentes pièces de puzzle composant chaque exercice, réfléchissez à chaque « détail » dont l’absence peut bloquer tout l’exercice. Dans les exemples précédents, peut-être est-il mal à l’aise loin de vous, peut-être a-t-il peur du matériel installé dans la carrière ou peut-être a-t-il associé la place de pansage à un lieu de soins désagréable pour lui. Il convient donc de retravailler ces bases, de s’assurer qu’il comprend chaque pièce du puzzle avant de chercher à les associer pour aller plus loin.
- Stress extrinsèque : environnement stressant, milieu biotique ou abiotique contraignant, stimuli qui prennent trop d’importance par rapport à vos demandes… Si votre cheval ne réussit pas l’exercice que vous lui demandez, il est possible qu’il soit tout simplement incapable de l’entendre ! Ses besoins en sécurité physique et émotionnelle seront toujours plus forts que son envie de répondre à vos demandes (et heureusement !) : pensez à scanner l’environnement, à déterminer ce qui pourrait l’inquiéter et à l’habituer en douceur à supporter une certaine dose de stress modéré sans paniquer ou fuir (voir aussi chapitre 3, Module 5).
- Stress intrinsèque : seuil homéostasique dépassé, faim, fatigue… Le stress peut aussi venir de l’organisme du cheval. S’il a effectué un long trajet la veille, qu’il a déménagé récemment, qu’un nouveau congénère a intégré son groupe, qu’il a mal aux pieds etc… il ne sera pas en état d’écouter et de comprendre des séances plus stimulantes ou exigeantes. D’où l’importance de toujours rester à l’écoute, de surveiller les indicateurs de mal-être (qui seront vus plus précisément au Niveau 2) et de se faire confiance quand on sent que quelque chose ne tourne pas rond…

3. Troisième raison : la demande n’est pas stimulante
Votre cheval comprend tout à fait ce que vous demandez, il a les compétences et les connaissances requises mais il n’y répond pas. Vous avez l’impression qu’il s’ennuie, qu’il n’entend pas ou ne fait pas les exercices par manque de volonté et d’enthousiasme.
Un exemple : vous avez réfléchi pendant trois jours à un parcours digne des plus grosses épreuves d’Equifeel, installé des dizaines de cônes et de barres au sol, médité et respiré profondément à votre arrivée aux écuries, abordé votre cheval dans les règles de l’art… et à votre arrivée en carrière, rien. Il traine le pied, marche la tête au basse, voire se met à bailler. Une situation plutôt frustrante et démotivante, non ?
Il est simplement possible que votre cheval ne soit pas (plus ?) intéressé par le travail en carrière. Ou par toute forme d’interaction avec l’humain. Cela fait peut-être des années qu’il « subit » les séances proposées au lieu d’en être l’acteur principal, et qu’il ne voit du coup plus vraiment l’intérêt de s’impliquer. Surtout, rassurez-vous : cela n’est pas une fatalité ! Et surtout, c’est une situation totalement compréhensible. Pensez à un enfant qui déteste l’école : toutes les matières l’ennuient, il n’a jamais de bonne note et n’y a pas lié d’amitié passionnante. Un jour, un nouvel enseignant chamboule l’établissement avec des méthodes incroyables, stimulantes, respectueuses du bien-être des élèves (façon « Cercle des Poètes Disparus », vous voyez ?). Croyez-vous que l’enfant va subitement se découvrir une passion pour sa scolarité ? Il y a de grandes chances qu’il reste méfiant quelques temps, qu’il regarde ailleurs en observant ses camarades du coin de l’œil, qu’il ne participe aux activités proposées qu’à contrecœur. Puis, peu à peu, en vivant des expériences agréables et en cumulant les souvenirs positifs, il va commencer à s’intéresser, à proposer et à devenir acteur de son apprentissage.
Vous l’aurez compris, face à ce genre de (non-)réaction, il convient de « faire aimer l’école ». Pour cela :
- Diminuez la longueur de vos séances : mettez-vous un minuteur et interrompez votre séance au bout de 5 ou 8 minutes. C’est très court, vous n’aurez pas le temps d’enchaîner beaucoup d’exercices… et c’est exactement l’objectif !
- Travaillez dans son lieu de vie : il ralentit à la vue de la carrière ? N’y allez pas ! Ou alors, allez-y uniquement pour en faire le tour et ressortir, et demandez vos exercices habituels dans son pré. Il faut casser ses rituels, ses automatismes dont lequel votre cheval s’est enfermé pour échapper aux séances.
- Sélectionnez uniquement des exercices faciles : ne proposez que des demandes qu’il connait très bien. Il ne doit pas se sentir piégé dans la séance, au contraire !
- Récompensez exagérément : il a fait deux pas à vos côtés sans trainer, ralentir, hésiter, regarder ailleurs ? Youhou !! Esclaffez-vous, donnez une récompense, riez, grattouillez ! N’hésitez pas à le surprendre. Il doit se dire « Oh ! C’était donc ça le but ? Seulement ça ? Mais je sais faire ! ». Plus il aura des bonnes notes, plus il appréciera d’aller à l’école…
Acceptez de perdre quelques semaines en ralentissant le rythme pour gagner ensuite en motivation et dynamisme dans vos séances ! Il faut que votre cheval (re)trouve l’envie de réfléchir, de proposer et de se connecter pour amener votre relation à un niveau supérieur.

IMPORTANT Ne vous mettez pas la pression ! Révolutionner ses séances du jour au lendemain et espérer que son cheval va directement se précipiter à notre rencontre en hennissant de joie est utopique ! Vous connaissez votre cheval et vous vous connaissez : faites-vous confiance ! Peut-être que votre compagnon équin est très demandeur, qu’il a besoin de variété, de challenges permanents pour ne pas s’éteindre lors de vos interactions. Peut-être qu’il préfère au contraire maîtriser parfaitement ses bases et ne découvrir de nouveaux exercices que très progressivement. Comme chez les êtres humains, il y a des tempéraments (nous en parlerons au Niveau 2 de la formation), des tendances à préférer le mouvement ou le calme, les remises en question ou les répétitions… et c’est très bien comme ça ! |
EXERCICE – MODULE 6 – CHAPITRE 4
Ciblez une situation de « blocage » à laquelle vous avez déjà été confronté.e dans votre évolution équestre et déterminez les causes et les explications possibles en vous basant sur ce chapitre.
– EXEMPLE –
Blocage : votre cheval ne veut pas partir seul en main en extérieur.
Causes possibles : peur de s’éloigner du domaine vital, lacunes techniques dans le mener en main, aides ou message du cavalier peu clairs/congruents, sorties précédentes trop longues / l’ayant poussé au-delà de son seuil de tolérance, etc…