Introduction
Conclusion

Chapitre 2 – Les indispensables du quotidien en R+ et en R-

1. Les soins du quotidien

La relation qu’entretiennent un humain et un cheval ne commence pas à l’entrée dans une carrière : comme nous l’avons vu et détaillé, c’est la somme des interactions qui crée la relation, et c’est la qualité de ces interactions, de la communication et des souvenirs en commun qui font naître une amitié interspécifique stable. Il est donc primordial de soigner chaque instant passé en compagnie de votre cheval, et de ne pas négliger les actions les plus banales.

  • Mise du licol : votre cheval doit être consentant ! Apprenez-lui à baisser la tête, soit en utiliser une cible (R+) soit en lui apprenant à céder à la pression (R-), puis à accepter le contact de votre main. Tant que ces étapes ne sont pas acquises, mettre le licol revient à « attraper » votre cheval sans son accord. Pensez à bien ouvrir le licol et à l’enfiler respectueusement à votre cheval, en prenant garde au passage des oreilles et aux lanières dans les yeux.
  • Attache : beaucoup de chevaux peinent à rester à l’attache, soit par frustration de mouvement, soit par inquiétude. Si votre cheval n’est pas à l’aise dans cette situation, privilégiez un lieu rassurant pour l’apprentissage : on évite les places de pansage exiguës empêchant le cheval de voir ou sentir ses congénères, les sols glissants ou les outils (balais, fourches…) qui risquent de glisser à chaque instant. Si possible, attachez votre cheval en hauteur (moins de risque qu’il tire au renard et se blesse) et soyez progressif ! Observez-le attentivement pour augmenter le temps d’attache sans jamais dépasser la « ligne rouge » au-delà de laquelle il rentrera dans un état émotionnel délétère, ignorez les comportements indésirables (bouge, gratte…) et allez le récompenser en le détachant dès que vous obtenez quelques secondes (puis minutes) de calme. Attention : n’attachez jamais avec un licol en corde, à moins de rajouter une ficelle facilement cassable entre le licol et la longe.
  • Pansage : le pansage n’est pas toujours apprécié, et il est extrêmement important de ne pas précipiter vos gestes : prenez le temps d’observer votre cheval et tous les indicateurs de gêne qui pourraient vous indiquer que ça ne va pas (crispation musculaire, oreilles en arrière, queue qui fouaille, menaces…). Chaque cheval a des préférences en terme de types de brosses, de zones de contact, d’intensité du brossage. Et si la sensibilité tactile est directement liée au tempérament du cheval (on sait par exemple que les chevaux les plus sensibles tactilement sont également les plus réactifs au travail), il convient de respecter cette individualité. Un cheval qui menace de mordre ou secoue la tête ne fait pas « son cinéma » : il est mal à l’aise et le fait savoir.
  • Curage des pieds : là encore, vous pouvez choisir de travailler en renforcement positif en entraînant par exemple votre cheval à lever le pied à la demande en utilisant une cible, ou lui apprendre à céder à la pression de votre main sur son paturon ou sa couronne. L’important est là encore d’être progressif pour que votre compagnon ne se sente pas coincé ou déséquilibré, et qu’il apprenne à se sentir à l’aise dans cette position. Demandez-en peu au début, et assurez-vous que le pied de votre cheval est léger dans votre main avant de le relâcher.
  • Spray : démêlant, anti-mouches, désinfectant… Les produits en spray sont fréquents dans les écuries et leur utilisation peut engendrer des situations désagréables, voire dangereuses. La difficulté vient du fait qu’ils sollicitent différents sens du cheval : la vue avec le produit propulsé en jets ou en gouttelettes, l’olfaction avec l’odeur potentiellement forte du liquide, l’audition avec le bruit surprenant du « pschitt », le sens tactile avec le contact du liquide – souvent froid – sur le poil. De quoi stresser et appréhender, non ? Il est donc là encore important de prendre son temps, d’accompagner son cheval et de découper la difficulté en étapes successives, que l’on travaille en R+ ou en R-.

2. Le Medical Training

Le « Medical Training » regroupe tous les apprentissages amenant un animal à recevoir des soins de manière volontaire et confortable. Basé sur le renforcement positif, il est progressif, respectueux (si bien mené) et permet à l’individu d’être acteur de la situation, même pour les soins les plus invasifs. Echographie d’un dauphin, injection sur un tigre, parage des pieds d’un éléphant, prélèvement de salive sur un primate : les exemples sont nombreux en parcs animaliers et deviennent de plus en plus fréquents chez les espèces domestiques. Il est ainsi possible d’expliquer à votre cheval à accepter :

  • Le vermifuge
  • Les injections
  • Le parage
  • La pesée
  • La toise

Quel que soit l’objectif, pensez à le découper en plusieurs étapes pour vous assurer systématiquement que chaque pièce du puzzle est acquise avant de passer à la suivante.

Par exemple, pour le vermifuge, il convient d’abord de pouvoir caresser la tête avec vos mains, puis la bouche, puis toucher la commissure des lèvres et glisser un doigt dans sa bouche. Ensuite, vous pouvez lui apprendre à supporter la vue et le contact de la seringue. Ce n’est qu’après ces « mini-étapes » (qui peuvent nécessiter plusieurs étapes selon son passé et votre aisance : l’important n’est pas d’aller vite, mais de progresser dans le calme), que vous pouvez introduire la seringue dans sa bouche.

Gardez également en tête qu’une interaction « désagréable » (même bien préparée, une injection n’est jamais un moment de plaisir…) doit être rattrapée par une multitude de moments confortables. Si cela reste une anecdote dans un quotidien positif, cela ne nuira pas à votre relation.

Le vermifuge en R+ (vous pouvez entendre le claquement de langue qui marque le comportement attendu)

Le spray en R+ (ici, le clicker est utilisé comme marqueur)

 

Quelle récompense alimentaire utiliser ?
Carottes, pommes, bouchons de foin… Tout dépend des préférences de votre cheval ! L’important est que ce soit appétant, facile à distribuer et rapidement avalé pour vous permettre d’enchaîner avec la demande suivante ! Coupez les fruits en petits morceaux si nécessaire. En revanche, évitez les friandises sucrées proposées dans le commerce et/ou adaptez vos rations en les diminuant les jours d’entraînement si votre cheval est nourri en plus de l’apport en fourrage.

 

3. Désensibilisation et habituation

Avec l’essor des méthodes « alternatives », le monde équestre a commencé à parler de désensibilisation à outrance pour définir toute action amenant le cheval à ne plus fuir face à un stimulus anxiogène. Sac plastique qui vole, bâche au sol, spray soudain : l’animal « désensibilisé » est censé resté immobile, observer l’objet inquiétant et ne pas céder à son « instinct de fuite ».

Comme nous l’avons vu lorsque nous avons étudié les Théories de l’Apprentissage au Module 3 (chapitre 5), il est plus juste de parler d’habituation. L’objectif est en effet d’habituer le cheval à la présence d’un élément stressant, sans jamais dépasser son seuil de sensibilité, sa « ligne rouge », et sans déclencher de comportements de peur. Sauf que… il est tout à fait possible d’avoir un cheval immobile mais paniqué ! Il convient donc de bien observer son cheval et de bien le connaître pour arrêter toute stimulation avant qu’il ne stresse, même intérieurement. Si vous travaillez de cette manière, en repoussant ces limites progressivement et sans franchir le seuil homéostasique, vous faites donc un apprentissage non-associatif.

Mais il est également possible, en fonction de l’objet auquel vous voulez habituer votre cheval, de travailler en conditionnement opérant :

  • Habituation en renforcement négatif : approche-retrait pour habituer le cheval progressivement. Si le cheval bouge, on maintient le stimulus et on le stoppe lorsque le cheval fixe ses pieds. Il apprend alors que le fait de s’immobiliser entraîne l’arrêt de ce qui l’inquiète. Inconvénient : demande un certain tact pour ne pas mettre le cheval dans un état émotionnel délétère, dans lequel il sera incapable d’entendre, de comprendre et d’apprendre.
  • Habituation en renforcement positif : profitez de la curiosité de votre cheval pour marquer (cliquer si vous travaillez en clicker) et récompensez. Vous pouvez attirer son attention vers ce qui l’inquiète en utilisant la cible (qu’il aura découverte auparavant et qu’il cherchera à toucher pour obtenir une récompense).

Conseil important : apprenez à votre cheval à gérer ce qui l’inquiète en statique et en mouvement.

S’il est évident que vous ne pouvez pas l’habituer au tuyau de la douche en trottant dans une carrière, il peut être utile de lui apprendre à garder l’allure quand il passe à côté d’une cabane de juges lors d’un concours. Pour cela, la logique reste la même : travaillez d’abord à l’arrêt à proximité du lieu inquiétant, puis dans une allure basse en maintenant une distance à laquelle il ne panique pas. Très progressivement, rapprochez-vous du « problème », récompensez fortement s’il n’accélère pas ou ne montre pas de réactions de fuite. S’il stresse, continuez à lui demander un effort en vous éloignant à nouveau. En étant vraiment très progressif et en respectant sa sensibilité (qui peut être différente d’un jour sur l’autre !), vous lui apprendrez à avoir confiance en lui… et en vous !

 

4. L’embarquement dans le van

Même si vous ne sortez pas en concours chaque week-end et que vos balades habituelles vous suffisent amplement, l’apprentissage de l’embarquement dans le van peut s’avérer nécessaire. Une urgence vétérinaire, un changement de propriétaire : votre cheval peut avoir besoin d’être transporté et il est primordial de lui rendre l’expérience la moins désagréable possible.

Avant tout, prenez conscience de votre langage corporel afin de clarifier le message. Votre énergie, votre gestuelle et vos émotions doivent être congruentes : si vous êtes vous-même paniqué.e à l’idée d’embarquer votre cheval, repoussez l’exercice !

Demander à un équidé d’entrer dans une boîte exiguë, sombre (rappelez-vous des caractéristiques de sa vision – Module 3 : il a besoin de beaucoup plus de temps qu’un humain pour accommoder et s’habituer aux changements de luminosité), bruyante, où les sons, la visibilité et l’odorat sont altérés est bien plus complexe qu’on ne veut généralement l’accepter. Cependant, il est tout à fait possible de l’aider à comprendre l’exercice dans le calme !

Attendez que votre cheval soit disponible physiquement et mentalement. Souvent, travailler autour du van se fait sur un parking ou à l’entrée de l’écurie : votre cheval doit donc s’habituer à un lieu peu connu, potentiellement éloigné de ses congénères tout en se concentrant sur vos demandes. Vous pouvez le concentrer en lui demandant des exercices connus, en le mettant en situation de réussite avec des demandes « faciles » et rassurantes, avant d’aborder le travail dans le van à proprement parler.

 

Ensuite, à vous de choisir :

  • Embarquement en renforcement négatif : l’idée est de mettre le cheval en mouvement (pas en fuite !) à quelques mètres du van, en demandant des exercices maîtrisés, puis de lui offrir du confort à proximité, puis sur le pont. Le van devient donc synonyme de repos et de détente, alors que s’en éloigner revient à devoir « travailler ». Peu à peu, on lui demande d’aller vers l’intérieur du van, d’abord en nous positionnant nous-même dedans, puis depuis l’extérieur. C’est l’orientation du bras et la tension de la longe qui incitent le cheval à avancer. S’il recule ou se braque, on peut à nouveau le faire bouger à distance du van avant de revenir lui proposer d’y entrer. Il est nécessaire d’être très progressif pour respecter son cheval et éviter de réduire tous les efforts à néant en étant trop « gourmand », le cheval ne devant jamais se sentir coincé et contraint. Cette méthode est tout à fait valable si votre cheval n’est pas dans un état émotionnel exacerbé, qu’il répond à vos demandes dans le calme et cède à la pression de la longe.
  • Embarquement en renforcement positif: avec l’utilisation de la cible, on peut d’abord amener le cheval à sentir le van (dès qu’il touche avec son nez = marquer / cliquer = récompenser), puis le pont, puis encourager chaque foulée en avant vers l’intérieur du van. La cible permet de rester à distance, de donner un objectif visuel clair et rassurant pour le cheval (qui y aura été habitué au préalable) et d’aider à la concentration. Une fois l’exercice acquis, la cible est peu à peu remplacée par un autre type de signal (vous pouvez par exemple l’associer à un code vocal, à votre main qui pointe dans le van, etc).
Sachez qu’il est également possible de mélanger les deux approches !
Faites ce qui vous semble efficace, respectueux et logique !

Quelle que soit la méthode qui vous correspond le plus, assurez-vous toujours :

  • De respecter la sensibilité de votre cheval. S’il stresse, se jette en arrière à la vue du van ou qu’il vous arrache la longe pour fuir, aucun progrès n’est possible. Il est important qu’il soit prêt à vous entendre, que la situation lui permette de réussir et que l’exercice soit à sa portée.
  • De disposer un seau rempli de nourriture dans le fond du van. Tout d’abord parce qu’il est primordial que votre cheval soit récompensé de son effort, que celui-ci soit amené en R+ ou en R-. Mais également parce que manger peut l’aider à se décontracter, à redescendre en pression et à soulager des contractions musculaires.

Astuce : si le cheval ne trouve pas, n’hésitez pas à le guider, à le « leurrer » ! Pourquoi se priver d’une aide précieuse ? Imaginez quelqu’un qui ne parle pas votre langue : vous faites de votre mieux pour être compris, quitte à utiliser une gestuelle exagérée ou à mimer votre question. La logique est la même avec un cheval ! Si présenter une carotte, utiliser un appel de langue ou toucher son épaule aide à débloquer la situation, faites-le !

 

L’utilisation du Renforcement Positif monté sera évoquée plus précisément au Niveau 2 de la formation « Relation Homme-Cheval », mais cette vidéo permet de répondre aux questions fréquentes sur la distribution de nourriture, notamment sur le passage du renforcement primaire (distribution de nourriture) à la mise en place de signaux « classiques » (par exemple, l’utilisation des jambes du cavalier), tout en montrant qu’il est possible de lier travail en R- et R+

 

EXERCICE – MODULE 5 – CHAPITRE 2

Débuter le renforcement positif

  • Définissez un marqueur (clicker ou claquement de langue exclusif) et un renforçateur (récompense alimentaire – laquelle ?, grattouilles – où ?, etc.). Il est possible que cela vous demande plus d’une séance. C’est normal : tous les chevaux ont leurs préférences, prenez le temps de trouver ce qui vous convient à tous les deux !
  • Mettez en place la « politesse » (voir vidéos 1 et 2 / chapitre 1, Module 5)
  • Choisissez un apprentissage simple : baisser la tête, lever un pied, avancer d’un pas… que vous mettrez en place exclusivement en renforcement positif R+ (donc : pas de longe qui se tend, pas d’appels de langue intempestifs, pas de pression physique, la plus légère soit-elle…).

Qu’observez-vous ? Quels comportements (positifs ou non) votre cheval exprime-t-il ?

 

Aller plus loin en renforcement positif

  • Définissez une difficulté que vous rencontrez avec votre cheval : calme à l’attache, donner les pieds, marcher en main, s’éloigner des congénères, venir vers vous au pré…
  • Découpez la difficulté en étapes logiques et progressives. Par exemple, pour « il ne vient pas vers moi au pré » : marquer les comportements « il arrête de brouter », « il me regarde », « il me suit du regard », « il reporte son poids vers moi », « il fait une foulée vers moi », etc… Attention : chaque étape peut prendre plusieurs séances de quelques minutes, ne cherchez pas à tout faire en une fois à moins que votre cheval ne vous le réclame !
  • Retravaillez chaque étape en R+ en prenant votre temps, en récompensant beaucoup et en exprimant votre contentement quand la réponse souhaitée est proposée.

N’oubliez pas de nous écrire sur community@animho.com si vous avez des questions ou des doutes sur l’enchaînement et la progression de vos exercices.